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« Le manuscrit de Valréas », un document hors du commun

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Le « manuscrit de Valréas » comme l’ont dénommé les spécialistes, est en fait un « livre d’heures ». Pour les non-initiés, ce titre peut paraître étrange ; il ne s’agit pas d’un calendrier ou d’un agenda... encore que...


Un « livre d’heures » est un genre de missel personnel, privé, à l’usage de laïcs . La meilleure comparaison que l’on pourrait faire serait le bréviaire des ecclésiastiques.


Le bréviaire est un ouvrage qui indique au clergé les fêtes à célébrer au cours de l’année avec les prières afférentes, notamment tout au long de la journée d’où le nom de « livre d’heures ».


Ces livres d’heures sont antérieurs à l’invention de l’imprimerie, d’où le nom de manuscrit donné à celui de Valréas et à tous ses semblables. Pour différencier les rares textes qui nous soient parvenus, on leur donne le nom de leur propriétaire initial ou du lieu où ils ont été découverts. Les premiers remontent au XIV ème siècle, tel celui qui nous intéresse. Chacun est donc une pièce unique par sa date, son format, son nombre de pages, l'abondance et la qualité de son décor. Comme pour la plupart de ces livres, les couleurs sont d'une grande fraîcheur car peu souvent exposés en pleine lumière.

Ces ouvrages sont de petites dimensions, nous dirions de nos jours « livres de poche » car ceux-là aussi pouvaient se glisser dans la poche d’un vêtement pour se rendre à l’office ; celui dit « de Valréas » mesure 75 mm x 112 mm. Il était constitué de 52 feuillets de parchemin reliés de cuir.


L’intérêt historique de ce type de documents vient de leur extrême rareté car accessible alors seulement à une élite fortunée (monarques, haute noblesse), leur réalisation étant très longue donc coûteuse : pages manuscrites et illustrations d’artistes pour les rendre moins austères.


Leur intérêt artistique réside dans la qualité des illustrations, plus exactement des enluminures. Sans être spécialiste, nous avons entendu parler des « Très riches heures du Duc
de Berry » qui ont participé à une prestigieuse exposition thématique tenue à la BNF à Paris, aux côtés desquelles figuraient aussi « le Livre d'Heures de Valréas » (1955). Les décors de notre document valréassien se limitent à l’encadrement (marges) de certaines pages (animaux, végétaux).

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Nos « riches heures valréassiennes » sont moins connues que celles du Duc de Berry pour plusieurs autres raisons :


- en premier, nous n’avons pas la traçabilité initiale du document . Les spécialistes y ont vu la main d'au moins 2 ateliers d’enlumineurs (dont une vingtaine d’artistes) du Bassin Parisien, un des principaux foyers de production. Peut-être s’agit-il d’une commande de l’entourage royal, puis d'un transfert par Dauphin interposé (fils aîné du roi) dans « sa » province, puis dans notre ville, aux confins du Dauphiné ; et de ces Dauphins, un possible passage aux Grignan-Adhémar dont les sépultures étaient dans notre couvent des Cordeliers. Et c’est de ce couvent que proviendrait, à l’occasion des troubles liés à la Révolution, le manuscrit, vendu au XIX ème siècle au musée Calvet d’Avignon, vente effectuée par un fils de pasteur originaire de notre proche région. Certaines de ces hypothèses sont à vérifier et à confirmer.


- ensuite, la méconnaissance de notre document est aussi due à l’impossibilité de pouvoir en faire une étude complète car une partie importante a été subtilisée au musée il y a près d’un demi-siècle. C’est la récente découverte de la partie volée ( 36 feuillets ) par le chercheur suédois Thomas Bergqvist-Rydén, spécialiste des enluminures gothiques, qui a refait parler du « manuscrit de Valréas ». Grâce à sa vigilance et son expertise, le « Livre d'Heures de Valréas » est maintenant complet (Cf article produit par ce chercheur dans la revue professionnelle PECIA - volume 23 ).

Puisse cette récente re-découverte, susciter un regain d’intérêt pour ce document notamment au niveau de son étude. En ce qui nous concerne, veillons à ce que ce document ne perde pas sa dénomination ancienne « de Valréas », qui témoigne d’une réelle et précoce
activité intellectuelle dans notre ville. Il pourrait même devenir, par sa qualité, l’emblème de ce passé culturel.


Ne nous berçons pas d’illusions, le document ne retrouvera pas demain le chemin de l’Enclave, mais tâchons de nous procurer et de présenter des copies de qualité d’un document qui porte haut le nom de Valréas ; cela donnerait à notre ville une notoriété supplémentaire. Après tout le célèbre cratère de Vix n’a pas eu besoin de rester sur son lieu de découverte pour porter encore son nom. De même, cette œuvre d'exception est un témoin parmi d'autres, du riche passé historique de Valréas.

Henri Veyradier
Janvier 2023

NOTA


L'auteur remercie :


- Messieurs Colignon , Mège, Peyronnel qui ont contribué à la réalisation de cet article
en fournissant des documents issus de leurs propres recherches.


- Le journal « Le Dauphiné Libéré » dont la première photo est issue.

- L'IRHT-CNRS (catalogue initial) d'où sont extraits les deux autres clichés.

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